O-furo – le bain japonais

Introduction

Le bain japonais, appelé furo (風呂) ou O-furo (お風呂) en langage soutenu, est une des composantes essentielles du quotidien nippon. En effet, se baigner fait partie intégrante de la culture nippone, et n’a rien en commun avec le bain tel que nous le connaissons en Occident. Le rituel du bain au Japon est destiné au bien-être et à la relaxation, et non pour se laver. On se lave et se rince à l’extérieur de la baignoire ou du bassin, avant d’entrer dans l’eau pour se détendre.

Un autre aspect essentiel présent dans le rituel du bain japonais est la socialisation, en particulier dans les bains publics sentō (銭湯) et les sources d’eau chaude onsen (温泉). L’atmosphère conviviale et propice à la communication permet de faire tomber de nombreuses barrières sociales entre les individus, et la relaxation aidant, les langues se délient alors.

Origine

Le bain japonais trouve sa source dans les religions du shintō et du bouddhisme, qui ont participé à sa popularisation au Japon. Dans les pratiques shintō, l’eau joue un rôle purificateur physiquement comme spirituellement, et permet l’anéantissement rituel de la souillure. Dans les premiers monastères bouddhistes, on utilisait un bassin pour laver les statues de Bouddha et faire des ablutions purificatrices. Les temples permirent par charité aux gens du commun de se baigner, et cette pratique devint populaire et suscita la construction de plus grands bains dans les temples et à l’extérieur. On retrouve dès le 3ème siècle dans certains écrits historiques la mention de rites funéraires de purification par le bain pour les membres de la famille.

D’un point de vue plus profane, l’engouement des japonais pour le bain s’explique par le climat propre à l’archipel, et ses nombreuses rivières et sources d’eau chaude (onsen). L’été japonais particulièrement chaud et humide nécessite de se laver pour se débarrasser de la sueur. De même, le bien-être d’un bain chaud dans la rigueur des hivers nippons est indéniable.

Le bain japonais

On trouve des bains partout au Japon, au domicile comme dans les hôtels et ryokan, ou encore dans les établissement dédiés (sentō et onsen). Ils sont d’ailleurs souvent utilisés comme argument commercial et proposés comme un service, un peu à l’image du fitness center, de la piscine ou du sauna dans les hôtels occidentaux.

Les baignoires japonaises modernes sont différentes de celles dont nous disposons en Occident, et sont généralement plus petites et plus profondes. En pvc ou acier inoxydable, les baignoires ou bassins étaient -et sont encore parfois, dans certains ryokan et hôtels- à l’origine en bois de hinoki (cèdre japonais) ou en pierre.

Les salles de bain japonaises sont divisées en un espace dédié au lavage où l’on se savonne et se rince, et un autre dédié au bain ou l’on se détend à une température de 36° à 42° habituellement. Le bain étant souvent pris par plusieurs personnes de la famille, on place généralement une sorte de ‘couvercle’ semblable à un rideau escamotable de pvc ou de bois sur le dessus de la baignoire, afin de conserver la chaleur de l’eau. De nos jours, il existe également d’autres systèmes de chauffage à cet usage.

Dans le passé, on utilisait souvent l’eau d’un bain pour faire une lessive le lendemain.

L’art du bain au Japon

L’art du bain au Japon est codifié et demande une certaine ouverture d’esprit et des sens. Pratiqué depuis des siècles par les japonais, il fait partie intégrante de leur mode de vie. Espace de détente et de purification, prendre un bain rapidement est suspect aux yeux des japonais, d’où le kotowaza (adage) à cet effet : karasu gyōzui (烏の行水), ou ‘ablutions de corbeau’.

On se lave avant et après le bain au Japon, jamais pendant. Ce principe s’applique aussi bien au bain privé qu’aux bains publics, le bain étant destiné à se détendre et à se régénérer, en se délestant du poids de sa journée et en ‘laissant couler’ les soucis dans l’eau, d’où cet autre adage : mizu ni nagasu (水に流す), ‘laisser couler dans l’eau’.

Le rituel du bain japonais illustre parfaitement le besoin, dans une société codifiée très rigide, de participer à un ensemble en intégrant un environnement sécurisant qui rappelle l’attachement maternel (concept de l’amae), l’appartenance à la famille et à un groupe; ce concept est essentiel, car il permet de s’assimiler à la société japonaise, à ses traditions et sa culture passée et présente. Le corps ressort régénéré et l’esprit purifié de cette immersion.

Intimité dans un bain japonais

Le concept d’intimité tel que nous le connaissons en Occident n’existe pas au Japon. Dans une société aux traditions séculaires où l’individu à peu de place, le ‘groupe’ prévalant toujours, la notion d’intimité est exprimée paradoxalement à travers le collectif. Les japonais sont éduqués selon des valeurs ancestrales immuables, et apprenent à vivre dès le plus jeune âge ‘dans’ et ‘pour’ un groupe : famille, école, université, travail.

C’est là un principe difficile à assimiler pour les occidentaux, mais qui reste aussi vrai de nos jours qu’il l’était il y a des siècles. Le bain est considéré comme bénéfique aux relations sociales, et il n’est ainsi pas rare que les enfants prennent leur bain avec leurs parents jusqu’à leur puberté.

Il est important de souligner que la nudité au Japon n’est pas perçue comme en Occident, et que le fait de partager un bain nu favorise les interactions et suspend les barrières, autorisant ainsi une réduction temporaire de la distance sociale si présente entre les japonais. On peut d’ailleurs établir un parallèle avec les soirées à boire entre collègues à l’izakaya.

Deux exemples de kotowaza illustrent parfaitement cet esprit d’ouverture et de dialogue sans ambiguïtés dans les bains japonais : hadaka no tsukiai (裸の付き合い) ou ‘la convivialité dans la nudité’, et hada to hada no fureai (肌と肌の触れ合い) ou ‘le contact peau à peau’ (skinship en Anglais).

Si la perception de la nudité est différente au Japon, on reste néanmoins discret : on voit, mais on ne regarde pas. La société -et la culture- japonaise est terriblement complexe et remplie de paradoxes, et le concept d’intimité et de nudité ne fait pas exception à la règle. En effet, de l’enfance à l’âge adulte, on peut partager un bain en commun et pratiquer le skinship, alors que dans le quotidien on évite soigneusement tout contact physique avec autrui, souvent même dans la sphère privée.

Au Japon, discuter ‘à cœur ouvert’ se traduit par discuter ‘le corps exposé’.

Etiquette dans un bain japonais

Comme pour d’autres aspects de la culture nippone, l’art du bain japonais comprend une étiquette précise qu’il convient de respecter, à domicile comme dans les bains publics, pour comprendre et apprécier pleinement les plaisirs du bain nippon et ne pas importuner les autres.

Il faut tout d’abord considérer l’essence même du bain au Japon et s’en imprégner : relaxation, plaisir et quiétude. On veillera de ce fait à ne pas parler fort, ni courir, ni déranger les autres par quelque nuisance que ce soit.

Après s’être déshabillé, on pourra commencer par se laver (même si l’on s’est déjà lavé dans la journée !) et se rincer avant d’entrer dans l’O-furo. S’il s’agit de bains publics (ou onsen), il faut savoir que les maillots de bain ne sont généralement pas autorisés. On peut toutefois emmener une petite serviette pour couvrir ses parties intimes jusqu’à ce que l’on entre dans l’eau. Les serviettes doivent toutefois rester hors de l’eau. Il est judicieux de tester la température de l’eau avant d’y entrer, les bains japonais pouvant parfois être très chauds, en particulier lorsqu’il s’agit de sources naturelles.

Bain japonais – Vocabulaire

Quelques mots de vocabulaire relatif au bain :

o-furo (お風呂) – bain
shawā (シャワー) – douche
mizu () – eau
yu (ゆ) – eau chaude
yubune (湯舟) – baignoire, eau du bain
tsumetai (冷たい) – froid
atatakai (温かい) – chaud
atsui (熱い) – chaud (trop chaud)
araimasu (洗います) – (se) laver
nagashimasu (流します) – (se) rincer
o-furo ni hairimasu (お風呂に入ります) – se baigner
o-furo kara agarimasu (お風呂から上がります) – sortir du bain
oke (桶) – bacquet d’eau pour se rincer
taoru (タオル) – serviette pour s’essuyer
sekken (せっけん) – savon
shanpū (シャンプー) – shampoing
isu (椅子) – chaise, tabouret
kōishitsu (更衣室)- vestiaires (en général)
datsui-jō (脱衣場) – vestiaires (bains)
rokkā (ロッカー) – locker, consigne
yukata (浴衣) – kimono court léger

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